Le jeu des faunes, 1917
Huile sur toile, signée en bas à gauche
42 x 212 cm
Henri Manguin, voici un autre nom d’artiste que l’on ne s’attendait pas forcément à retrouver au sein de cette exposition car, si le nu féminin était familier à Manguin, la connotation sexuelle en était la plupart du temps suggérée dans un érotisme plutôt contenu. Pourtant, quelques œuvres de l’artiste échappent à l’habituelle décence et les corps exultent, particulièrement dans une frise bucolique (et un pastel de la même série) où s’ébattent des faunes et des femmes nues. D’inspiration très méditerranéenne, le décor qui a servi à ces compositions se situe pourtant sur les bords du lac de Neuchâtel. Manguin est en effet réfugié en Suisse où, réformé, il passe le temps de la guerre, principalement dans la région de Lausanne. À l’été 1917, il découvre Colombier, près de Neuchâtel, sur les rives du lac, et fait de cet environnement, dans plusieurs de ses peintures, une sorte de reconstitution du littoral méditerranéen dont il est depuis quelques temps éloigné, tirant de sa palette les réminiscences nécessaires. Le thème du faune, hérité de l’antiquité, est régulièrement exploité dans l’art depuis la Renaissance, y compris aux XIX et XXème siècle, filtrant dans l’œuvre de nombreux artistes de sensibilités différentes, au delà même des mouvements auxquels ils ont pu appartenir. L’après-midi d’un faune est un célèbre poème symboliste de Mallarmé publié en 1876 et pour lequel Manet signe les illustrations du livret. Le poème inspire ensuite une œuvre symphonique de Debussy, Prélude à l’après-midi d’un faune, achevée en 1894, qui à son tour sert la chorégraphie d’un ballet révolutionnaire mené par Vaslav Nijinski, présenté au Théâtre du Châtelet au printemps 1912 sous la houlette des Ballets russes de Serge Diaghilev. Le faune se distingue, outre ses oreilles et le bas de son corps, qui est généralement celui d’un bouc, par sa lubricité, son intense appétit sexuel qui s’exerce aux dépens des nymphes. Certaines d’entre elles ont été prises ici, mais le peintre conserve toutefois un semblant de pudeur, les parties intimes des protagonistes n’étant, y compris dans l’acte, jamais dévoilées.